Le fonds que l’on a coutume d’appeler patrimonial – manuscrits, estampes et imprimés antérieurs à 1801 – compte aujourd’hui plus de 100 000 volumes imprimés et un fonds iconographique contenant environ 7 000 estampes, des cartes et 364 plaques de verre.
Ce fonds est constitué de trois ensembles distincts mais complémentaires et contenant tous manuscrits, imprimés anciens et estampes :
le fonds de la Sorbonne, hérité de la Bibliothèque de l’université de Paris d’Ancien Régime (et non de la bibliothèque de l’ancien collège de Sorbonne, dispersée sous la Révolution)
le fonds Victor-Cousin, contenant la bibliothèque et les papiers légués à l’université de Paris en 1863 par le philosophe Victor Cousin (1792-1867) ;
le fonds Richelieu, également légué à l’université de Paris, en 1933, par le dernier duc de Richelieu.
En savoir plus sur les manuscrits, les imprimés avant 1801, les programmes en cours, la politique d’acquisition...
Le document le plus ancien conservé par la bibliothèque de la Sorbonne est un fragment d’évangéliaire du Xe siècle (Ms. 1558). Les manuscrits médiévaux, qui proviennent presque tous du collège Louis-le-Grand ou des petits collèges qui y furent transférés en 1764, ne constituent plus qu’un dixième de l’ensemble des manuscrits. Ils contiennent les grands textes de l’enseignement universitaire médiéval : Ecriture sainte et ses commentaires ; Aristote et ses exégètes ; Speculum de Vincent de Beauvais ; médecine antique, paleoarabe et arabe, avec les œuvres de Galien, Rhazès, Avicenne ou Averroès. Si les manuscrits d’étude, copiés pour la communauté universitaire, sont pour la plupart peu enluminés, certaines pièces échappent à cette règle d’austérité. Ainsi, le Continens de Rhazès (Ms. 126), copié en 1379 pour Guibert de Celsoi, médecin de Charles V, avant d’être donné à la bibliothèque du collège de Maître-Gervais.
Couvrant une période allant du Moyen Age aux débuts de la Révolution, un autre fonds mérite d’être signalé : les 109 registres et 27 cartons d’archives de l’université d’Ancien Régime, versés en 1864 à la bibliothèque de la Sorbonne par le ministère de l’Instruction publique. Dus au cardinal Robert de Courson (vers 1160-1219), légat du pape et ancien maître parisien, les premiers statuts de l’université de Paris, datés du mois d’août 1215, en constituent le fleuron. Ils ne doivent toutefois pas faire oublier l’intérêt des registres de délibérations de la faculté des arts, source essentielle de l’histoire de l’université de Paris : témoins des grands débats qui l’ont agitée comme de ses problèmes de gestion les plus courants, ils contiennent des listes de gradués, boursiers ou titulaires de bénéfice, particulièrement précieuses dans la mesure où l’université de Paris n’a jamais tenu de registre matricule de ses étudiants.
Les manuscrits de l’époque moderne, soit près de la moitié de la collection, proviennent pour la plupart de la donation Montempuis. On y trouve ses cours de philosophie, de nombreux recueils de textes relatifs à l’histoire de l’université de Paris et au jansénisme, ainsi que divers ouvrages de théologie et d’histoire ecclésiastique. Les saisies révolutionnaires ont renforcé cette dominante théologique par l’apport de nombreux manuscrits enlevés aux établissements religieux tout en y introduisant une certaine variété tirée des bibliothèques d’émigrés : nombreux ouvrages sur l’art militaire ; élévations et plans aquarellés du palais et des jardins royaux de Dijon, dont plusieurs de la main de Mansart ou Le Nôtre, confisqués aux Condé (Ms. 1501) ; copies clandestines de textes athées du XVIIIe siècle, confisquées aux Caylus (Ms. 760-763).
Quant aux manuscrits des XIXe et XXe siècles, ils intéressent essentiellement l’histoire de l’enseignement et de l’université de Paris, même si les archives de la Société philomathique ou les papiers du poète Léon Chestov (1866-1938), donnés en 1988, y constituent des ensembles non négligeables. S’ajoutant à une liste déjà riche (cours ou papiers du philosophe Théodore Jouffroy, du chimiste Louis-Jacques Thénard, du mathématicien Gaston Darboux, de l’historien et ministre de l’Instruction publique Alfred Rambaud ; notes prises par Louis Halphen au cours de Lucien Lévy-Bruhl, correspondance d’Eugène Manuel, inspecteur général de l’Instruction publique…), les archives de la revue Le Moyen Age, les papiers du philosophe et psychologue Maurice Pradines, du philosophe André Lalande, ou encore ceux d’Auguste Bouché-Leclerc, historien de l’Antiquité, sont venus plus récemment abonder le fonds de papiers d’universitaires que la bibliothèque de la Sorbonne a vocation à recueillir.
Cet ensemble est complété par une partie des manuscrits du fonds Victor-Cousin, où la correspondance reçue par le philosophe, celle de la marquise Arconati-Visconti, les papiers du philosophe Maine de Biran, ceux de Xavier Léon, fondateur de la Revue de métaphysique et de morale ou du philosophe Victor Egger représentent un gisement documentaire susceptible d’intéresser tout historien du monde intellectuel et universitaire depuis le XIXe siècle.
Le fonds Victor-Cousin recèle cependant d’autres richesses : le manuscrit du Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre (Ms. 8) y voisine avec une collection d’autographes et de personnalités célèbres (Ms. 1 à 5), rassemblée par le philosophe et révélatrice de ses centres d’intérêt (XVIIe siècle : lettres des principaux acteurs du jansénisme et de la Fronde ; philosophie : lettres de Descartes, Gassendi, Leibnitz, Spinoza, Malebranche, Condillac ou Diderot).
Enfin, le fonds de manuscrits a bénéficié en 1933 de la donation Richelieu, composée de quelques lettres et papiers du cardinal (1585-1642), mais surtout des papiers du maréchal (1696-1788), contenant le journal de ses campagnes et sa correspondance (dont huit volumes de lettres galantes) et des papiers du duc (1766-1822), ministre de Louis XVIII.
Principalement constituée d’ouvrages publiés aux XVIIe et XVIIIe siècles, la collection d’imprimés anciens a un caractère universitaire très prononcé : son noyau d’origine provient d’établissements d’enseignement ; les dons qui sont venus l’enrichir émanent pour la plupart d’anciens professeurs, public érudit en fonction duquel ont été effectuées les acquisitions de l’établissement ; la qualité des textes, la notion d’édition de référence, la volonté de couvrir des champs documentaires privilégiés, plus largement le principe d’utilité, l’ont emporté sur les considérations bibliophiliques. L’apport des saisies révolutionnaires, certains dons sortant de l’ordinaire, l’attention prêtée aujourd’hui à des particularités d’exemplaire jadis négligées ont toutefois fait pénétrer la « bibliophilie » dans une bibliothèque peu sensible à ce critère et a priori étrangère au luxe. Parmi les pièces les plus rares, on citera l’édition originale du Traité de l’amour de Dieu de saint François de Sales (Lyon, Pierre Rigaud, 1616), l’édition clandestine des Colloques d’Erasme (Louvain, Germanus Fiscus, 1532), la grande carte d’Europe de Zuan Domenico Zorzi (Venise, Matteo Pagano, 1545) et la carte de Flandres publiée par Giovanni Vavassore (Venise, 1556) dont la bibliothèque conserve les seuls exemplaires connus, l’exemplaire de l’édition originale du Discours de la méthode (Leyde, Johannes Maire , 1637) présentant des corrections manuscrites suggérées par l’auteur au Père Marin Mersenne ou encore le « petit Béhourt » (Rouen, Guillaume de La Haye, 1620) ayant appartenu au Grand Condé.
Ce qui relève du fruit du hasard pour le fonds de la Sorbonne est au contraire le résultat d’une recherche systématique dans le fonds Victor-Cousin. Afin d’enrichir une bibliothèque qu’il considérait comme « son œuvre la moins imparfaite », le philosophe a acheté ou fait acheter dans toutes les grandes ventes de l’époque, en France ou à l’étranger. Dans ses deux domaines de prédilection qu’étaient la philosophie et la littérature de l’Antiquité classique au XVIIIe siècle, il a sélectionné les éditions rares et recherchées, les exemplaires tirés sur des papiers de qualité, couverts de reliures précieuses ou comportant des marques de provenance illustres, tout en portant une attention, nouvelle pour l’époque, aux éditions originales jusqu’alors dédaignées par les collectionneurs. Le fonds compte, par exemple, la première édition de chacune des pièces de Corneille. Recherchant et respectant les reliures anciennes quand elles étaient précieuses, il a, en outre, fait relier de neuf des pièces de conditions plus modestes par les plus grands relieurs de son époque, faisant notamment travailler Jean-Edouard Niedrée, Hippolyte Duru ou encore l’atelier Trautz-Bauzonnet. La quatrième édition du Génie du Christianisme (Lyon, Ballanche, 1804), abondamment corrigée de la main de l’auteur qui préparait l’édition suivante ou les Œuvres de Virgile (Paris, Imprimerie royale, 1641), offertes par Mazarin à Christine de Suède, reliées aux armes de la reine témoignent parmi nombre d’autres pièces du caractère exceptionnel de ce fonds.
Catalogues des collections patrimoniales : les collections de la Réserve
Catalogues des collections patrimoniales : le fonds Victor-Cousin
Le retour récent des collections patrimoniales en Sorbonne devrait permettre la reprise d’une politique de valorisation quelque peu affectée par les conditions particulières de fonctionnement du département des Manuscrits et des livres anciens pendant la durée des travaux de mise en sécurité de la bibliothèque (éloignement des collections de la Réserve conservées durant quatre ans dans des magasins distants situés en dehors de Paris ; locaux provisoires trop exigus pour mener à bien certaines opérations).
Outre le travail courant de catalogage rétrospectif de ses fonds d’imprimés anciens et de son fonds iconographique, le département se donne pour objectif d’améliorer le signalement de sa collection de manuscrits dans le catalogue collectif Calames (reprise des notices succinctes de fonds ou d’ensemble simplement signalés par une notice globale ; classement et catalogage des fonds non inventoriés tels que les 33 cartons d’archives du fonds Richelieu ou le fonds René-Lindekens…).
Il s’investit par ailleurs depuis plusieurs années dans un projet de numérisation répondant à la volonté de mettre à disposition de la communauté scientifique des corpus thématiques spécialisés, consultables à distance. Constituant un ensemble original parmi les collections patrimoniales conservées à la bibliothèque de la Sorbonne, les sources de l’histoire de l’université de Paris ont été identifiées au nombre des fonds susceptibles, de par leur importance et leur cohérence, de motiver une telle entreprise.
Enfin, s’appuyant sur les compétences de son atelier de restauration, il poursuit un programme régulier de restauration des documents de son fonds patrimonial.
Si les dons constituent la principale source d’accroissement de ses collections patrimoniales, la bibliothèque s’efforce également de les compléter à travers une politique d’acquisition très ciblée, s’attachant à enrichir les corpus préexistants et donnant la priorité aux pièces manuscrites ou présentant des particularités d’exemplaires garantes de leur caractère unique. En ce qui concerne les manuscrits, la bibliothèque cherche notamment à enrichir le fonds de papiers d’universitaires qu’elle conserve. En ce qui concerne les imprimés antérieurs à 1801, tous les dons sont acceptés, dans la mesure où ils complètent les collections, mais seuls les livres ayant valeur de sources historiques sont achetés.
Les acquisitions effectuées ces trois dernières années ont avant tout visé à documenter l’histoire de l’université de Paris et de ses collèges et à compléter la collection d’ouvrages couverts (ou présentant des gardes) de papier dominoté :
manuscrits : 4 manuscrits de cours professés dans différents collèges parisiens au XVIIIe siècle ; un manuscrit de cours inédit dispensé à la Faculté des sciences au XIXe siècle ; plusieurs lettres autographes d’universitaires, philosophes ou historiens complétant des correspondances déjà présentes dans les fonds de manuscrits (Henri Bergson, Jean-Denis Barbié du Bocage, Jules Michelet, Jean-François Boissonnade, Célestin Bouglé, Vladimir Jankélévitch, Jean Wahl … etc) ;
estampes : série de 9 estampes aquarellées du XVIIIe siècle représentant des figures historiques de l’université ; études de l’architecte Jean-Camille Formigé pour la reconstruction de la Sorbonne (ensemble de 10 dessins sur calque, réalisés suite à l’ouverture du concours de 1882) ;
imprimés : 4 éditions parisiennes du XVIe siècle présentant d’abondantes annotations manuscrites d’origine scolaire ; 27 volumes couverts (ou présentant des gardes) de papier dominoté.